Croissance et dette souveraine dans l'UE: deux propositions novatrices

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Le Comité économique et social européen propose les Union Bonds destinés à stabiliser la dette et les Eurobonds destinés à stimuler la reprise et la croissance.

1.1 Le CESE propose l'introduction de deux types d'obligations (bonds) de l'Union européenne, qui sont complémentaires mais distincts: 1) les Union Bonds destinés à stabiliser la dette; et 2) les Eurobonds destinés à stimuler la reprise et la croissance. Il recommande aussi d'utiliser une partie du flux net (solde positif) des Eurobonds pour financer un fonds européen de capital-risque, ce qui était l'un des objectifs originels du Fonds européen d'investissement (FEI) .

1.2 L'UE a besoin de regagner la confiance de la population européenne envers la monnaie unique, en lui montrant qu'elle représente un avantage mutuel. À cette fin, il faut mettre en place un programme d'action économique, mais aussi social et culturel, sur le modèle du "New Deal" américain, dont la réussite a encouragé le Président Truman à avaliser le Plan Marshall.

1.3 Il faudrait également accorder une importance politique plus élevée au fait que, si certains États membres sont profondément endettés, l'Union elle-même a une dette quasi nulle. Jusque mai 2010, avec le début des rachats de dettes nationales, elle n'avait aucune dette. Même après ces opérations de rachat de dettes et de sauvetage des banques, la dette de l'Union représente moins d'un dixième du rapport dette/PIB des États-Unis dans les années 1930, quand l'administration Roosevelt commença à transformer l'épargne en investissements au moyen de l'expansion des bons du Trésor américain . Contrairement aux États-Unis, l'UE a l'avantage de "late start" en matière d'obligations.

1.4 Cela peut toutefois se faire sans opérations de rachat de la dette ou de garanties souveraines conjointes ou de transferts budgétaires. À titre d'exemple, lorsqu'elle a financé le New Deal, l'administration Roosevelt n'a pas racheté la dette des États membres de l'Union américaine et ne leur a pas demandé de garantir les bons du Trésor américain ni exigé de transferts budgétaires de leur part.

2. Union bonds destinés à stabiliser la dette nationale

2.1 La dette nationale, convertie en Union bonds jusqu'à hauteur de 60 % du PIB, pourrait être détenue dans un compte de débit consolidé mais non soumis à négociations. Ces titres, puisque non soumis à négociations, seraient protégés contre l'activité spéculative liée aux jugements des agences de notation. Mais les transferts budgétaires ne seraient pas nécessaires pour les mettre en place. Les États membres dont la dette serait ainsi libellée en Union bonds serviraient leur quote-part de la dette convertie en obligations de l'Union. Cette conversion aurait aussi pour effet de réduire la dette de la plupart des États, qui rentreraient ainsi dans les critères de Maastricht. La situation financière de la Grèce continuerait d'être un problème, mais limité et donc gérable.

2.2 Pour atteindre ces objectifs, le pacte de stabilité et de croissance n'aurait pas besoin d'être révisé, tandis qu'il gagnerait la crédibilité qui lui fait actuellement défaut auprès des marchés et des électeurs, puisque l'objectif de stabilité pourrait être atteint sans recours à des mesures d'austérité. De plus, la conversion d'une quote-part importante (jusqu'à 60 %) de la dette des États membres en dette de l'Union pourrait se faire suivant une procédure de "coopération renforcée". Les États membres préférant conserver leurs obligations nationales seraient libres de le faire .

2.3 La partie de la dette nationale convertie en Union bonds pourrait être détenue par le FESF (puis par le MES) sur un compte de débit, sans faire l'objet de négociations. Cela permettrait aux obligations converties d'être à l'abri de la spéculation. Les investisseurs conserveraient leurs actifs jusqu'à l'échéance des obligations à leur taux d'intérêt en vigueur. Cela permettrait aussi d'éviter l'aléa moral, puisque les obligations détenues dans un compte de débit ne pourraient pas être utilisées pour la création de crédit net. Le risque de défaut de paiement de certains États membres serait ainsi considérablement réduit, au bénéfice tant des gouvernements que des détenteurs d'obligations.

3. Eurobonds destinés à rétablir la reprise et la croissance durable

3.1 Contrairement aux Union bonds, les Eurobonds émis pour financer la reprise et la croissance seraient négociés et pourraient ainsi attirer des fonds dans l'UE. Les pays BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont à nouveau confirmé en septembre 2011 qu'ils souhaitaient détenir des réserves d'euros pour aider à stabiliser la zone euro. Détenir de telles réserves sous la forme d'Eurobonds plutôt qu'en obligations nationales permettrait de renforcer l'euro en tant que monnaie de réserve internationale tout en aidant les économies émergentes à réaliser leur ambition de créer un système mondial de réserves de change plus varié.

3.2 Les Eurobonds ne doivent pas intégrer la dette nationale de l'Allemagne ou de tout autre État membre, et n'ont pas besoin de garanties souveraines conjointes ou solidaires. Depuis plus de 50 ans, la Banque européenne d'investissement a émis avec succès des titres de dette souveraine, sans qu'il soit besoin de recourir à des garanties nationales. Sa réussite a été telle que son volume est aujourd'hui déjà plus que deux fois supérieur à celui de la Banque mondiale.

3.3 Les États-Unis d'Amérique financent leurs bons du Trésor avec les taxes fédérales, alors que l'Europe n'a pas de politique budgétaire commune. Toutefois, les États membres peuvent financer leur quote-part des obligations nationales convertie en Union bonds, sans nécessité de transferts budgétaires entre eux.

4. Les institutions, la cohésion et la convergence

4.1 La BCE n'a pas besoin de participer à l'émission nette d'obligations. Il était
prévu à l'origine que l'émission d'obligations de l'Union européenne devrait être assuré par le Fonds européen d'investissement – FEI - qui a été institué en 1994 et fait partie du Groupe BEI depuis 2000. Le premier rôle défini pour le FEI était d'émettre des obligations communes en contrepartie de la monnaie commune. Sa mission secondaire était de soutenir un fonds européen de capital-risque .

4.2 Les émissions d'Eurobonds par le FEI pourraient financer ce fonds européen de  capital-risque, venir compléter les obligations émises par la BEI dans le cadre du  financement de projets conjoints. Le service des obligations serait effectué par les  recettes tirées de projets d'investissement plutôt que par des transferts  budgétaires. La BEI garderait le contrôle, en soumettant les projets à son  approbation.

4.3 Le Conseil Ecofin est l'organe de gouvernance du Groupe BEI. Pour décider de  l'émission des Eurobonds par le FEI, il ne requiert pas forcément de révision du  traité, pas davantage qu'au moment de la création du FEI en 1994.

4.4 Les critères pour lancer un plan européen de relance économique ne doivent pas être fixés via une proposition de la Commission. Depuis le Programme d'action spécial d'Amsterdam et les Conseils européens de Luxembourg (1997) et de Lisbonne (2000), la BEI s'est vu attribuer des missions de cohésion et de convergence, pour investir dans la santé, l'éducation, la rénovation urbaine, la technologie verte, le soutien financier aux petites et moyennes entreprises et les jeunes entreprises de nouvelle technologie à développement rapide, ainsi que dans les réseaux transeuropéens de transports et de communication.

4.5 Depuis, 1997, la BEI a réussi à quadrupler ses financements annuels d'investissement,  les faisant passer à l'équivalent des deux tiers des ressources propres de la  Commission. Un nouveau quadruplement de ces financements d'ici à 2020, au moyen  d'un cofinancement provenant de l'achat d'Eurobonds par les banques centrales et les  fonds souverains d'économies excédentaires permettrait de concrétiser le plan  européen pour la relance économique. C'est d'autant plus vrai qu'il est prouvé que  les multiplicateurs d'investissements atteignent un facteur de trois, et sont donc  potentiellement deux à trois fois plus puissants que les multiplicateurs budgétaires .

Contact : sholland@fe.uc.pt

 

 

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